Biographie
Oskar Benedek est un photographe hongrois, né à Budapest le 4 janvier 1911. A l’âge de treize ans, son frère jumeau Miklós meurt de phtisie. Oskar Benedek ne s’en remettra jamais et souffrira tout au long de sa vie de profondes crises de mélancolie. En 1923, il s’installe à Paris, fréquente les surréalistes et inaugure une œuvre photographique d’avant-garde qui lui vaudra l’admiration d’André Breton. En juillet 1936, il fait une tentative de suicide en se jetant sous un train. Après plusieurs séjours dans des sanatoriums, il rentre à Budapest en 1939 et collabore clandestinement avec le parti communiste hongrois. Il fait la connaissance de Krisztina Ligeti qui sera à la fois sa compagne et son modèle. Elle donne un nouveau souffle à sa créativité et plusieurs de ses photographies suscitent des polémiques. En 1943, Krisztina Ligeti est déportée à Bergen-Belsen. En 1944, un mois avant l’invasion de Budapest par les troupes allemandes et le soir même du vernissage d’une exposition de ses œuvres, Oskar Benedek disparaît. Il avait trente trois ans.
Son œuvre
L’œuvre d’Oskar Benedek comprend trois périodes. La première, la jeunesse, montre la puissance de son don d’observation du milieu qui l’entoure. Ce sont des portraits de ses proches, des paysages de la campagne hongroise, des animaux familiers saisis sur le vif. La seconde période, datant de son séjour parisien, multiplie au contraire les artifices formels, les effets de collage, les accessoires érotiques et bizarres chers aux surréalistes. La dernière période, plus sombre, correspondant au années 1940-1944, est la plus audacieuse: il photographie le vide, l’évanescence, la mort au travail. Oskar Benedek est un précurseur étonnant de la photographie contemporaine.
Controverse
De nombreuses hypothèses ont essayé d’expliquer la disparition d’Oskar Benedek, un soir de 1944, et l’occultation généralisée qui a frappé son œuvre. A-t-il été assassiné par les nazis qui le soupçonnaient d’avoir, avec la complicité de Krisztina Ligeti, travaillé pour l’union soviétique ? S’est-il suicidé quelques semaines après la déportation de sa compagne vers un camp de concentration? A-t-il, comme certains l’ont prétendu après la guerre, travaillé brièvement pour Heinrich Gross, un médecin autrichien soupçonné d’avoir pratiqué des opérations inhumaines sur des enfants dans un hôpital à Vienne ? Des archives de la Stasi ont révélé des images à la limite du soutenable. Rien ne prouve cependant avec certitude que Benedek en ait été l’auteur.
Sources :
Katona A., Le mystère Benedek, éditions diagonales, Moscou, 1952
Laroye J., Oscar Benedek, éd. du Cyclone, Paris, 1956
2010 : Rétrospective Benedek, Galerie de l’Aigle, Bruxelles (12 octobre-2 novembre)
Filmographie :
2013 : Smolders Olivier, La Part de l’ombre, Les films du Scarabée,Yuzu Production, Wallonie Images productions, Arte
Note:
Heinrich Gross avait été déclaré « dément » par la justice autrichienne, en 2000, quelque temps avant de mourir. Il avait déjà été accusé une première fois d’avoir assassiné des enfants handicapés sous le IIIe Reich, dans la clinique du Spiegelgrund, à Vienne. Il n’a jamais été jugé pour ses crimes.
Le 22 mars 2000, la justice autrichienne a clos le dossier judiciaire de cet ancien psychiatre nazi. Comme l’a rapporté Le Nouvel Observateur, «Heinrich Gross, âgé de 89 ans, était médecin-chef de l’hôpital du Spiegelgrund à Vienne, l’une des cliniques nazies en Autriche où 789 enfants handicapés ont été tués par le régime hitlérien. Ces meurtres avaient été commis dans le cadre du programme d’euthanasie destiné, selon l’idéologie nazie, à éliminer de la société "les vies sans valeur" à une époque où l’Autriche, annexée en 1938 par l’Allemagne hitlérienne, faisait partie du IIIème Reich. »
L’hôpital viennois où ont été pratiqués ces actes d’euthanasie sur les enfants, du nom de « Spiegelgrund », a conservé scrupuleusement la liste de tous les décès survenus depuis juillet 1940 jusqu’à la fin de la guerre.
Bien que les meurtres par euthanasie étaient systématiquement camouflés en maquillant les noms des victimes, le « Livre des Morts » représente une source inestimable grâce à laquelle il fut possible de retrouver les noms des 789 petites victimes, avec leurs dates de naissance, de leur entrée à l’hôpital et de leur décès.
L’existence de ce registre avait été gardé secrète par l’hôpital psychiatrique de la ville de Vienne au Baumgartner Höhe jusqu’en 1998. Ce registre résidait dans les archives municipales et provinciales de Vienne jusqu’en 2002.
Les portraits des victimes du Spiegelgrund que l’on peut voir dans le site consacré à cette affaire sont inspirés des clichés photographiques provenant des dossiers individuels des patients de l’établissement datant de l’époque. Ces portraits, œuvre de l’artiste Anne Schmees, ont été commandés par la ville de Vienne à l’occasion de la cérémonie mortuaire qui eut lieu en 2002.
Ces horreurs ont été rappelées dans un film documentaire "Spiegelgrund", dont les deux cinéastes sont Angelika Schuster et Tristan Sindelgruber.
http://psychotrope.canalblog.com/archives/2006/10/26/3302252.html
Source: © Le Nouvel Obs. Voir aussi un film documentaire en français : Au nom de la science, réalisé par Joe Berlinger. Ce documentaire révèle qu’en avril 2002, "750 cerveaux et têtes d’enfants ont été découverts dans les sous-sols de la clinique pour enfants de Vienne, la Spiegelgrund. Ces 750 enfants ont été assassinés dans le cadre du programme d’euthanasie des nazis conduit par le docteur Heinrich Gross, commandant en second de la Spiegelgrund. Pendant plus de 40 ans après la guerre, le docteur Heinrich Gross a poursuivi ses recherches sur ces cerveaux d’enfants. Gross, aujourd’hui [à l’époque du documentaire] âgé de 86 ans, vit en homme libre en Autriche, toujours officieusement protégé par le gouvernement...."